Droit de la construction
Constatations de malfaçons, réception des travaux, désignation d’un expert en référé, etc.
La crise sanitaire actuelle entraîne une crise économique majeure, d’une ampleur inédite.
Le 11 mars 2020, l’OMS, organisation mondiale de la santé, a déclaré que le COVID 19 est une pandémie.
La crise sanitaire actuelle entraîne une crise économique majeure, d’une ampleur inédite.
Le 11 mars 2020, l’OMS, organisation mondiale de la santé, a déclaré que le COVID 19 est une pandémie.
Jamais, dans l’histoire de l’humanité, autant d’êtres humains n’auront été confinés en même temps à travers le monde.
De nombreux commerces ont été fermés pour tenter de ralentir, autant que faire se peut, la propagation du virus.
La fermeture des commerces, l’arrêt de toutes les activités non essentielles, le confinement imposé par l’autorité publique peuvent rendre impossible l’exécution de certains contrats.
La question du paiement des loyers se pose quotidiennement tant pour les baux de résidence principale, que pour les baux commerciaux. Pourtant, la crise actuelle n’a aucune influence sur la validité des contrats de location.
Même en période normale, le risque existe de perdre son emploi ou de se retrouver en difficulté financière.
Beaucoup pensent pouvoir suspendre le paiement des loyers voir même « arrêter » de payer leur loyer pour « cas de force majeure ». Est-ce légitime ? C’est ce que nous allons tenter de déterminer.
Nous allons d’abord rappeler ce qu’est un cas de force majeure, et ensuite examiner si le cas de force majeure peut s’appliquer aux baux d’habitation et aux baux commerciaux.
La force majeure est un évènement imprévisible, survenu postérieurement à la conclusion de la convention, irrésistible ou insurmontable et non fautif, qui rend impossible l’exécution d’une obligation. C’est une cause dite de libération du débiteur.
Les deux conditions d’évènement « imprévisible» et « non fautif » ne poseront pas de problème en ce qui concerne le coronavirus.
Par contre, la condition d’évènement « irrésistible » posera plus de questions et, plus particulièrement, est-ce que les mesures prises par le gouvernement rendent impossible l’exécution de l’obligation de payer le loyer ou simplement plus difficile ?
En effet, seules les entreprises n’ayant pas de trésorerie, seront dans l’incapacité de payer le loyer.
L’arrêté-royal de pouvoirs spéciaux du 23 mars 2020 adopté par le Gouvernement dispose que le covid-19 est considéré comme un cas de force majeure.
L’article premier de cet arrêté dispose :
« Par dérogation aux dispositions légales et réglementaires et sans préjudice des régimes spéciaux à adopter par les autorités compétentes, la menace du virus Covid-19 et la prise de mesures à son encontre par les autorités durant la période allant du 18 mars 2020 au 5 avril 2020 inclus, date de fin susceptible d’être adaptée par le Roi, sont d’office considérées comme constituant un cas de force majeure. »
Toutefois ce même arrêté prévoit une exception à cette règle à savoir les dettes d’argent. L’article 4 dispose en effet que :
« Le présent arrêté ne s’applique pas en ce qui concerne : (…) le paiement des dettes d’argent, l’exécution d’un emploi contractuel ou statutaire (…).
Or le loyer est bien évidemment une dette d’argent.
En principe, l’impossibilité de payer un loyer commercial en raison d’une incapacité financière, même si elle résulte d’une situation de force majeure, ne signifie pas que vous ne devez pas vous acquitter de votre propre obligation de paiement.
(Arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 2018).
Une partie de la jurisprudence a cependant assoupli l’application de ce principe et il suffirait, même pour une dette pécuniaire, que le débiteur se trouve en présence d’une véritable impossibilité d’exécution non fautive, découlant d’une cause étrangère.
La jouissance du bien étant totalement possible, le locataire d’un bail d’habitation ne pourra pas invoquer le cas de force majeure.
Si cependant, il subit une forte baisse ou une perte de revenus, il pourra toujours négocier avec son bailleur une suspension partielle de son loyer et négocier un plan d’apurement raisonnable avec son propriétaire pour régler le solde dû.
Si le bailleur assigne son locataire, on peut supposer que le Juge de Paix ne pourra être que compréhensif par rapport à une situation de crise économique exceptionnelle, et donc octroyer au locataire des termes et délais pour payer ses arriérés de loyers, pour autant que ce dernier démontre une baisse ou une perte de revenus.
Le Juge de paix mettre les intérêts des deux parties en balance.
La force majeure et ce que l’on appelle « le fait du prince » pourraient être invoqués dans le cadre d’un bail commercial.
Si le locataire ne peut pas exploiter son commerce parce qu’il serait en contradiction avec la loi, pourrait-il se considérer comme libéré de l’obligation de payer le loyer parce qu’il s’agit d’un obstacle insurmontable à l’exécution de ses obligations, dû à une cause étrangère ?
C’est en effet, en contrepartie d’une jouissance des lieux loués que le locataire a l’obligation (notamment) de payer le loyer. Et si le bailleur est mis dans l’impossibilité de faire jouir le locataire de la chose louée, les obligations corrélatives du locataire disparaissent.
Attention cependant, la force majeure n’est pas exonératoire définitivement.
Il faudra examiner également le contrat de bail qui souvent exclut le cas de force majeure.
La situation sanitaire actuelle et la fermeture des commerces, constituent plutôt un cas d’impossibilité temporaire.
Concrètement, l’obligation de payer son loyer est seulement suspendue et non éteinte.
Le locataire pourra donc sans difficulté obtenir des termes et délais pour payer le loyer.
Le bailleur aura tout intérêt à négocier un accord en ce sens avec son locataire, d’autant qu’actuellement les audiences sont suspendues jusqu’à nouvel ordre.
De nombreux bailleurs, conscient de la situation exceptionnelle, et par solidarité octroient une réduction temporaire du loyer.
Ils n’ont aucune obligation de le faire mais préfèrent éviter la faillite de leur locataire et garder de bonnes relations avec ce dernier.
Les questions posées sont complexes.
Le juge naturel de la matière du contrat de louage est le juge de paix qui a le pouvoir de statuer en équité en mettant en balance les intérêts respectifs des parties.
Le code civil autorise aussi le juge à faire usage de son pouvoir d’appréciation pour permettre à un débiteur malheureux et de bonne foi de bénéficier de termes et délais pour le paiement de sa dette.
En cas de litige, le Juge devra trancher au cas par cas en tenant compte des circonstances de l’espèce.
Il faudra se référer aux principes d’exécution de bonne foi des conventions ou encore à la théorie de l’abus de droit.
Cette théorie veut notamment qu’entre plusieurs manières d’exercer son droit, on choisisse toujours la moins préjudiciable pour autrui.
Les audiences étant actuellement suspendues, il faudra plusieurs semaines au bailleur pour avoir une fixation en fonction de la date de levée du confinement.
Il est donc préférable pour tous de trouver un accord. Comme souvent un mauvais accord vaut mieux qu’un long procès.
Le mieux, en cas de perte ou de baisse de revenus, sera donc de négocier avec son bailleur une suspension totale ou partielle de paiement du loyer pour conserver une relation pérenne.
Une exonération totale parait peu probable si on l’analyse à la lumière de l’abus de droit.
Maître Alexandra VASILAKIS
Pratique quotidiennement le droit immobilier au sens large et a été reconnue spécialiste en droit de la construction et droit des baux par décision du Conseil de l’Ordre Francophone du Barreau de Bruxelles du 16/01/2018.