Droit de la construction
Constatations de malfaçons, réception des travaux, désignation d’un expert en référé, etc.
Dans le secteur du logement social, un gel des expulsions locatives durant la période hivernale – à savoir du 1er novembre au 15 mars – est déjà en vigueur, depuis quelques années, tant en Région bruxelloise qu’en Région wallonne.
En outre, chacune des 3 Régions du pays avait pratiqué un tel moratoire (indépendamment de la saison) pendant la pandémie de coronavirus, puisque l’interdiction de l’ensemble des expulsions domiciliaires a constitué l’une des premières mesures prises par les autorités.
Depuis le 1er septembre 2023, un nouveau dispositif historique est entré en vigueur en Région bruxelloise : un moratoire hivernal, non plus ponctuel, mais permanent, est instauré pour toutes les expulsions d’un logement ayant fait l’objet d’un bail d’habitation ou d’un bail commercial en Région de Bruxelles-Capitale.
Elles sont désormais interdites dans les 19 communes de la Région Bruxelloise du 1er novembre au 15 mars de chaque année.
En Wallonie, ce moratoire s'applique uniquement aux locataires de logements sociaux.
En Flandre, il n'y a pas de moratoire du tout !
Le nouvel article 233duodecies du Code bruxellois du logement prévoit que : « Sous réserve de l’exécution des décisions administratives prises sur la base de l’article 8 ou des articles 133 et 135 de la Nouvelle loi communale, aucune expulsion d’un logement ayant fait l’objet d’un bail d’habitation ou d’un bail visé à la section IIbis du livre III, titre VIII, chapitre II, du Code civil ne peut être exécutée du 1er novembre au 15 mars de l’année suivante. »
. Selon la Secrétaire d’État au logement, « Cette décision répond à l’absolue nécessité de garantir un logement pour tous en période hivernale et de protéger les locataires les plus fragilisés qu’une éventuelle mesure d’expulsion pourrait mettre en grande difficulté ».
Pendant la période de trêve hivernale, il n’est pas interdit de prononcer un jugement d’expulsion, ni de signifier le jugement d’expulsion, c’est l’expulsion proprement dite, par l’huissier de justice, qui est empêchée.
Il ne peut être dérogé au moratoire hivernal que dans les 4 hypothèses suivantes, moyennant décision du juge « spécialement motivée quant au caractère impérieux de l’expulsion »
Plusieurs juges de paix – dont essentiellement 3 cantons (Ixelles, Bruxelles II et Uccle) n’appliquent toutefois pas le nouveau moratoire hivernal, estimant qu’il constitue une restriction excessive aux droits des propriétaires bailleurs.
Pour justifier ce refus, ils invoquent l’article 159 de la Constitution (qui permet de ne pas appliquer un acte administratif au motif qu’il est illégal), avec un argumentaire de ce type : « le législateur bruxellois rompt le juste équilibre entre les intérêts des parties concernées, en ne permettant pas d’expulsions entre le 1ᵉʳ novembre et le 15 mars de l’année suivante, même dans le cas où certains contrats de bail ont correctement pris fin, (…) ou suite à un non-respect flagrant, récurrent et soutenu de son obligation de paiement de loyer, la non-conclusion d’une assurance couvrant sa responsabilité,… ».
Dans un jugement rendu le 6 mars 2024, le Juge de Paix du 1er canton de Bruxelles a exclu l’application du moratoire hivernal inscrit à l’article 233duodecies §1 du Code Bruxellois du Logement en soulignant l’importance de respecter la hiérarchie des normes, notamment les droits constitutionnels et européens liés à la propriété.
La Justice de paix a rappelé que l’article 16 de la Constitution belge et l’article 1er du Protocole additionnel à la Convention Européenne des Droits de l’Homme garantissent la protection du droit de propriété et interdisent toute privation de ce droit sans une cause d’utilité publique et une juste indemnité préalable.
L’interdiction générale d’expulsion durant la période hivernale, sans considération pour la situation spécifique des propriétaires, a été jugée comme une atteinte disproportionnée à ce droit fondamental.
Le Tribunal de première instance a, cependant réformé plusieurs jugements de juges de paix concernant l’écartement du moratoire, jugeant cet écartement non conforme au droit.
Malgré le moratoire, le loyer (appelé alors indemnité d’occupation), calculé par jour, reste naturellement dû pendant la période hivernale.
Le montant de l’indemnité d’occupation est fixé par le juge, ou à défaut équivalent au loyer du contrat ; autrement dit, l’indemnisation fixée par le juge est totale, automatique et équivalente au montant du loyer (elle ne peut être supérieure à ce dernier), sauf exception justifiée par le juge, dans les situations de loyers abusifs ou de logements insalubres par exemple.
Si le locataire ne paie pas son loyer/ indemnité d’occupation durant la trêve hivernale, les bailleurs privés (donc pas les agences immobilières sociales par exemple) pourront solliciter le Fonds budgétaire de solidarité (DIRL) pour être indemnisés. « Nous souhaitons éviter que le bailleur se retrouve en difficulté. Le Fonds lui permet ainsi d’être assuré du recouvrement de la dette de son locataire pendant le moratoire hivernal », indique la secrétaire d'État bruxelloise.
Les conditions cumulatives d’octroi de l’indemnisation par le Fonds sont les suivantes[23] :
Quant à la procédure, elle se présente comme suit :
Enfin, le Fonds budgétaire de solidarité sera alimenté par le produit des amendes pour insalubrité et discrimination, infligées aux bailleurs bruxellois :
Ainsi, toutes les sommes versées auprès du bailleur désintéressé par le locataire doivent être restituées au Fonds. L’administration interrogera le locataire à cet égard.
Maître Alexandra VASILAKIS
Pratique quotidiennement le droit immobilier au sens large et a été reconnue spécialiste en droit de la construction et droit des baux par décision du Conseil de l’Ordre Francophone du Barreau de Bruxelles du 16/01/2018.